Paris : bientôt une grande exposition sur un « père de l’impressionnisme » méconnu au musée Marmottan Monet
Par Anne-Sophie Lesage-Münch, Lucien Chancel le 18.02.2025
Au musée Marmottan Monet, à Paris, le printemps s'ouvrira sous les ciels de Boudin. L'institution s'apprête à dévoiler une grande exposition consacrée à ce pionnier du paysage en plein air et précurseur du mouvement impressionniste, à qui Monet « doit tout ».
« Je l’ai dit et je le répète, je dois tout à Boudin ». Cet hommage de Claude Monet suffit à lui seul à rendre compte de l’importance de l’œuvre d’Eugène Boudin (1824-1898) dans l’histoire de l’impressionnisme. En 2013, le musée Jacquemart André accueillait la première grande rétrospective parisienne de l’œuvre du peintre, connu pour ses marines et ses scènes de plages mondaines, devenu selon son ami Courbet « le roi des ciels ». Du 9 avril au 31 août, le musée Marmottan Monet à Paris met à son tour en lumière cette figure fondatrice à la faveur du prêt exceptionnel de 80 œuvres de la collection de Yann Guyonvarc’h, la plus importante collection au monde d’œuvre d’Eugène Boudin.
Un panorama complet de l’œuvre de Boudin
Intitulée « Eugène Boudin. Le père de l’impressionnisme : une collection particulière », l’exposition retrace, en une centaine de tableaux, aquarelles et dessins, le parcours du maître, explore les grandes thématiques de son œuvre et révèle ses liens d’amitié avec les artistes de son temps, comme Millet, Courbet et bien sûr Monet. Aux œuvres issues de la collection Guyonvarc’h (pour la plupart jamais exposées) répondent une dizaine de toiles conservées au musée Marmottan Monet ainsi que plusieurs prêts du musée des Beaux-Arts d’Agen et du musée d’art moderne André Malraux du Havre.
Comme l’explique Érik Desmazières, directeur du musée Marmottan Monet, l’exposition dresse ainsi « un panorama complet des différentes thématiques abordées par le peintre au cours de sa carrière : depuis les scènes sur les plages de Deauville et de Trouville jusqu’aux vues du midi et de Venise sans omettre la Bretagne, Le Havre, Bordeaux…» tout en permettant « de prendre la mesure du talent de coloriste de Boudin et de son aptitude à saisir l’atmosphère et la lumière ».
Les voyages en France et en Europe
Comme beaucoup de paysagistes, Boudin est un peintre voyageur. Conçu par l’historien d’art Laurent Manoeuvre, spécialiste de l’œuvre de Boudin, le parcours se développe en huit sections thématiques, qui sont autant de territoires et de paysages distincts que l’artiste a découverts au fil de ses voyages, de la Normandie à Venise en passant par les Pays-Bas et le Midi.
Né à Honfleur, Eugène Boudin grandit au Havre et gardera toute sa vie un attachement viscéral à sa région natale. Elle lui offre ses premiers motifs de peinture : effets de lumière sur l’estuaire de la Seine, paisibles marines aux tons nacrés, scènes charmantes de bains de mers à qui l’artiste doit aujourd’hui sa célébrité auprès du grand public. Ses scènes de plage mondaine, esquissées sur le vif à Deauville et Trouville, peuplées de silhouettes élégantes sous des ciels immenses, n’auront pas le succès escompté par l’artiste auprès de la bourgeoisie mais elles témoignent de l’essor des stations balnéaires sous le Second Empire.
Encore peu explorés par ses confrères, la Bretagne et le littoral sauvage du Finistère vont également constituer l’une de ses terres de prédilection (Le Toulinguet, côtes de Camaret,1872), tout comme le Midi, sa lumière et son harmonie de couleurs (Juan les Pins. La promenade et la baie, 1893), puis Venise, véritable point d’aboutissement dans la carrière de l’artiste.
Le dessin, une pratique fondamentale dans l’art de Boudin
L'exposition du musée Marmottan Monet met également en lumière la manière dont Eugène Boudin a fait du dessin et de l’aquarelle des exercices essentiels, indissociables de son travail de peintre. Il dessinait inlassablement, capturant les détails ou esquissant la composition de ses futures peintures. Ses dessins servaient de support à sa mémoire, enrichis d’annotations sur les couleurs et l’atmosphère. Même à son apogée technique, il continuait à croquer sur le vif. Il conseillait d’ailleurs à son élève Braquaval : « Dessinez, dessinez. Il n’y a que ça dans la peinture ».
Un maître de Monet
Le musée Marmottan Monet met également en correspondance les oeuvres de la collection Guyonvarc’h avec son propre fonds afin de mettre en lumière le dialogue entre Boudin et celui qui fut son principal élève et ami Claude Monet. C’est au Havre, en 1856, qu’Eugène Boudin fait la rencontre de Claude Monet, de 16 ans son cadet, chez un papetier-encadreur qui exposait les caricatures du collégien. Impressionné par le talent du jeune Monet, Boudin l’invite à peindre en plein air. D’abord réticent, Monet est rapidement séduit par l’approche de son aîné, qui capture les effets lumineux et changeants de la nature.
Cette expérience influence profondément Monet, qui adopte l’instantanéité et la fidélité aux impressions fugitives, éléments clés de l’impressionnisme. Boudin, par son approche humble et son observation minutieuse de la nature, joue ainsi un rôle crucial dans l’émergence de ce mouvement artistique révolutionnaire. L’exposition du musée Marmottan évoque les relations des artistes, ainsi que celles qu’ils entretiennent avec Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes.
Connaissance des Arts 18 février 2025